Comment analyser une action avant d’investir en bourse ?

Investir en bourse sans analyser une action, c’est comme sauter en parachute sans vérifier s’il est bien plié : le frisson est garanti, mais l’ouverture risque de faire mal… Aujourd’hui, prenons le temps de déchiffrer ensemble les éléments qui nous servent à analyser correctement une action et déterminer si elle peut rentrer dans notre portefeuille… ou pas !

Les fondamentaux d’une analyse d’action

Avant de vous noyer dans les chiffres et les ratios, posez-vous cette question toute simple : comment l’entreprise gagne-t-elle de l’argent ? Cela peut paraître bête mais cette question, c’est souvent le premier filtre utilisé par des investisseurs légendaires comme Warren Buffett.

Un modèle économique solide ne se limite pas à un seul pilier. Il présente généralement une proposition de valeur claire pour ses clients et des avantages compétitifs durables. La capacité à générer des flux de trésorerie récurrents constitue également un indicateur très positif de l’entreprise tout comme sa résilience face aux cycles économiques qui lui permet de traverser les tempêtes sans sombrer.

👉 Prenez Tesla, par exemple. Au-delà de vendre des voitures électriques, l’entreprise d’Elon Musk monétise également ses logiciels, ses batteries, et même ses crédits carbone. Comprendre ces multiples sources de revenus est essentiel pour évaluer son potentiel à long terme.

L’analyse des états financiers de l’entreprise

Les états financiers c’est comme un roman : ils racontent l’histoire de l’entreprise et trois chapitres (documents) sont particulièrement importants :

Le compte de résultat : la performance opérationnelle

Ce document vous révèle si l’entreprise gagne ou perd de l’argent sur une période donnée. Ne vous dispersez pas dans la multitude de chiffres présents. Concentrez-vous d’abord sur le chiffre d’affaires et sa croissance, qui révèlent l’évolution de la demande pour les produits ou services de l’entreprise. Analysez ensuite la marge brute (revenus – coûts directs) qui témoigne de l’efficacité productive de l’entreprise. L’EBITDA (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) offre une vision de la performance opérationnelle pure, tandis que le résultat net représente le bénéfice final après toutes les charges. La progressivité de cette analyse vous permettra de comprendre où se créent les gains et où se nichent les inefficiences.

Si vous tombez sur une innovation comme l’évolution du chiffre d’affaires trimestriel, analysez-la pour identifier d’éventuelles saisonnalités ou tendances émergentes.

Le bilan : la santé financière

Le bilan est comme une photo de la santé financière de l’entreprise à un instant T. Il met en balance :

  • Les actifs (ce que l’entreprise possède)
  • Les passifs (ce que l’entreprise doit)
  • Les capitaux propres (la valeur nette de l’entreprise)

Un bilan solide montre généralement un niveau d’endettement raisonnable par rapport aux capitaux propres et aux flux de trésorerie générés. Le loup en cachemire de Wall Street vous dira que certaines entreprises peuvent porter un endettement plus élevé que d’autres selon leur secteur, mais méfiez-vous des bilans trop fragiles.

Le tableau des flux de trésorerie : suivre l’argent

« Cash is king » dit l’adage, et il n’a jamais été aussi vrai. Ce document vous montre d’où vient l’argent et où il va :

Type de fluxCe qu’il indiqueSignal positif
Flux opérationnelsArgent généré par l’activitéPositifs et croissants
Flux d’investissementDépenses pour croîtreNégatifs mais productifs
Flux de financementRelations avec investisseurs et créanciersRachats d’actions, remboursement de dettes

Une entreprise qui génère systématiquement des flux de trésorerie disponibles (free cash flow) positifs dispose d’une liberté stratégique précieuse. Elle peut réduire sa dette, verser des dividendes, racheter ses propres actions ou investir dans sa croissance future.

Les ratios d’évaluation : le juste prix à payer

Maintenant que vous avez disséqué l’entreprise, il faut déterminer si son prix actuel en bourse est justifié. C’est ici qu’interviennent les ratios d’évaluation :

Le P/E (Price to Earnings) : le plus populaire mais pas le seul

Le ratio cours/bénéfice indique combien le marché est prêt à payer pour chaque euro de bénéfice généré par l’entreprise. Un P/E de 15 signifie que vous payez 15€ pour chaque euro de bénéfice annuel.

Mais attention, ce chiffre devient réellement significatif uniquement lorsqu’il est contextualisé. Une analyse rigoureuse implique de le comparer à la moyenne historique de l’entreprise pour identifier d’éventuelles anomalies de valorisation. Il est également essentiel de le mettre en perspective avec ses concurrents directs et la moyenne du secteur pour déterminer si l’entreprise se négocie avec une prime ou une décote. Enfin, les perspectives de croissance doivent impérativement être prises en compte, car un P/E élevé peut être justifié par une croissance anticipée substantielle.

Le PEG : le P/E corrigé de la croissance

Le ratio PEG (P/E divisé par le taux de croissance annuel) offre une vision plus nuancée. Un PEG inférieur à 1 peut indiquer une sous-évaluation, tandis qu’un PEG supérieur à 2 suggère souvent une valorisation tendue.

D’autres ratios essentiels

Le monde des ratios financiers est vaste et complémentaire. Le P/S (Price to Sales) s’avère particulièrement utile pour les entreprises qui ne sont pas encore rentables mais génèrent des revenus significatifs. Le P/B (Price to Book) compare le cours de l’action à sa valeur comptable, offrant un ancrage dans la réalité tangible des actifs. Pour les investisseurs axés sur le revenu, le rendement du dividende constitue un indicateur fondamental de la rémunération directe des actionnaires. Quant au ROE (Return on Equity), il mesure avec précision l’efficacité avec laquelle l’entreprise utilise les fonds propres confiés par ses actionnaires pour générer des profits.

Ces indicateurs sont comme les instruments de navigation d’un pilote : aucun n’est infaillible isolément, mais ensemble, ils vous aident à éviter de vous écraser contre une montagne de surévaluation.

L’analyse technique pour décoder les mouvements du marché

Les graphiques : l’art de lire le sentiment du marché

Si l’analyse fondamentale vous dit QUOI acheter, l’analyse technique vous suggère QUAND le faire. Elle repose sur l’étude des graphiques de prix et volumes pour identifier des tendances et des points d’entrée ou de sortie potentiels.

Les tendances : suivre le courant

Une tendance haussière se caractérise par une série de sommets et de creux ascendants, tandis qu’une tendance baissière montre l’inverse. Comme le disait poétiquement Jesse Livermore : « Le grand argent n’est pas dans l’achat et la vente, mais dans l’attente. »

Identifier ces tendances peut vous aider à surfer sur la vague plutôt que de nager à contre-courant. Les outils comme les moyennes mobiles (sur 50 ou 200 jours particulièrement) sont précieux pour confirmer ou infirmer une tendance.

Les supports et résistances : les barrières psychologiques

Ces niveaux de prix représentent des seuils psychologiques où le cours tend à rebondir (support) ou à être repoussé (résistance). Ils fonctionnent comme des aimants ou des plafonds de verre dans le comportement du marché.

Une histoire de survie boursière implique souvent de maîtriser l’art de reconnaître ces niveaux stratégiques et de les utiliser judicieusement dans votre processus décisionnel. Acheter à proximité d’un support solide peut considérablement limiter votre exposition au risque baissier, créant ainsi un filet de sécurité pour votre investissement. À l’inverse, vendre lorsque le cours approche une résistance forte peut vous permettre d’optimiser votre point de sortie et de maximiser vos gains. L’observation attentive du comportement du prix lorsqu’il franchit ces niveaux techniques, à la hausse comme à la baisse, constitue souvent un signal puissant qui peut confirmer ou invalider votre thèse d’investissement initiale.

Les indicateurs techniques : la boussole du trader

Le RSI : mesurer la surchauffe

L’Indice de Force Relative (RSI) mesure la vitesse et l’ampleur des mouvements de prix. Sur une échelle de 0 à 100 :

  • Un RSI supérieur à 70 suggère que l’action est surachetée
  • Un RSI inférieur à 30 indique qu’elle est survendue

Ces zones extrêmes peuvent signaler des retournements potentiels, surtout lorsqu’elles s’accompagnent de divergences (le prix atteint un nouveau sommet mais pas le RSI).

Le volume : confirmer la conviction du marché

Le volume d’échanges est comme le carburant des mouvements boursiers. Un mouvement de prix accompagné d’un fort volume est généralement plus significatif et durable qu’un mouvement similaire avec peu de volume.

Quand « les chiffres donnent le vertige » avec des volumes anormalement élevés, c’est souvent le signe d’un changement majeur dans la perception du marché envers cette action.

L’analyse du contexte pour élargir la perspective

Le secteur d’activité : l’écosystème de l’entreprise

Une entreprise brillante dans un secteur en déclin fait face à un vent contraire permanent. L’analyse sectorielle complète nécessite d’explorer plusieurs dimensions complémentaires. La croissance du secteur révèle le potentiel d’expansion global dans lequel l’entreprise évolue. Les forces concurrentielles, que Michael Porter a brillamment théorisées dans son modèle des 5 forces, déterminent la capacité des acteurs à capturer la valeur qu’ils créent. Le cycle de vie du secteur (émergence, croissance, maturité, déclin) influence profondément les stratégies disponibles et leur efficacité probable. Enfin, les disruptions potentielles, qu’elles soient technologiques, réglementaires ou sociétales, peuvent redessiner complètement le paysage concurrentiel en quelques années.

Souvenez-vous que même Blockbuster était une entreprise rentable jusqu’à ce que Netflix change complètement les règles du jeu. Parfois, le piège vient de se refermer sur tout un secteur avant même que les acteurs ne l’aient vu venir.

L’environnement macroéconomique : les vents qui soufflent sur tous les bateaux

Les conditions macroéconomiques influencent presque toutes les actions, mais à des degrés divers. L’évolution des taux d’intérêt impacte profondément les valorisations, pénalisant généralement les entreprises à forte croissance et celles fortement endettées lorsqu’ils augmentent. L’inflation affecte différemment les entreprises selon leur pouvoir de fixation des prix et leur structure de coûts, créant des gagnants et des perdants. La croissance économique globale influe particulièrement sur les actions cycliques, qui amplifient souvent les tendances macroéconomiques. Quant aux politiques gouvernementales, qu’il s’agisse de réglementations sectorielles, de changements fiscaux ou de programmes de subventions, elles peuvent radicalement transformer l’environnement opérationnel des entreprises.

Même la meilleure analyse fondamentale ou technique peut être balayée par un changement brutal de ces paramètres macroéconomiques. Comme le disait John Maynard Keynes : « Lorsque les faits changent, je change d’avis. »

Synthétiser votre analyse : la prise de décision éclairée

Construire votre thèse d’investissement

Une fois toutes ces données collectées, il est temps de formuler votre thèse d’investissement : votre narration claire et concise expliquant pourquoi cette action devrait prendre de la valeur (ou en perdre si vous envisagez une vente à découvert).

Votre thèse d’investissement doit former un ensemble cohérent et structuré qui guidera vos décisions futures. Elle devrait commencer par identifier les catalyseurs spécifiques qui pourraient propulser le cours de l’action, qu’il s’agisse du lancement de nouveaux produits prometteurs, d’une expansion internationale stratégique ou d’un plan de restructuration ambitieux. Parallèlement, une évaluation lucide des risques principaux et de leurs potentiels mécanismes d’atténuation permet d’anticiper les obstacles. L’horizon temporel de votre investissement doit être clairement défini, car il influencera votre tolérance aux fluctuations à court terme. Le potentiel de rendement attendu, solidement justifié par votre analyse, établit votre objectif de cours. Enfin, la définition préalable de vos critères de sortie, tant à la hausse qu’à la baisse, vous protège contre les décisions émotionnelles lorsque le marché s’emballe ou panique.

Apprenez à gérez vos biais gognitifs

Reconnaître et gérer vos propres biais est peut-être le défi le plus difficile. La psychologie de l’investisseur joue un rôle déterminant dans ses performances à long terme. Le biais de confirmation nous pousse insidieusement à ne rechercher que les informations qui confortent notre opinion initiale, créant une dangereuse chambre d’écho mentale. Le biais d’ancrage nous maintient fixés sur un prix d’entrée ou une analyse devenue obsolète, nous empêchant d’ajuster notre position face aux nouvelles réalités du marché. L’effet de halo nous conduit à juger positivement tous les aspects d’une entreprise simplement parce que nous apprécions ses produits ou son image de marque. Quant à la redoutable peur de manquer (FOMO), elle nous incite à investir impulsivement par crainte de rater une opportunité que d’autres semblent saisir, souvent au pire moment.

Conclusion : l’analyse c’est un processus continu

Analyser une action n’est pas un exercice que l’on doit faire pressé ou sur un coup de tête. Les meilleures analyses nécessitent discipline et persévérance. Je vous encourage à développer progressivement votre propre méthodologie, en empruntant des éléments à différentes écoles de pensée. Certains investisseurs privilégieront l’analyse fondamentale pure, d’autres préféreront les signaux techniques, et beaucoup adopteront une approche hybride.

Pour aller plus loin

  • Graham, B. & Dodd, D. (2008). « L’investisseur intelligent », Valor Editions
  • Lynch, P. (2004). « One Up on Wall Street », Simon & Schuster
  • Murphy, J.J. (2004). « L’analyse technique des marchés financiers », Valor Editions
  • Damodaran, A. (2012). « Investment Valuation: Tools and Techniques for Determining the Value of Any Asset », Wiley Finance
  • https://www.investopedia.com/fundamental-analysis-4689757

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